Du Covid-19 à Black Lives Matter : les photojournalistes congolais sur le front en RDC

Initiée par le photographe Finbarr O’Reilly, la plateforme collaborative « Congo in conversation » met en lumière les travaux de photojournalistes congolais. Ce projet en ligne montre la résilience de la RD Congo face à la crise du Covid-19, mais aussi l’engagement des photographes dans un pays émergeant d’une « longue histoire d’exploitation et de conflits ».

Après avoir été prolongé six fois depuis mars, l’état d’urgence sanitaire expire le 21 juillet en République démocratique du Congo. Le président Félix Tshisekedi doit encore « fixer les mesures de cohabitation entre le peuple congolais et la pandémie de coronavirus », alors que « l’ennemi invisible est toujours partout et en tout lieu », annonce le quotidien de Kinshasa Le Phare.

Cet ennemi invisible, qui a affecté au 19 juillet près de 8 500 personnes et en a tué 194 dans le pays, est traqué depuis la mi-mars par une dizaine de photographes congolais. Leur travail nourrit un reportage collaboratif en ligne « Congo in conversation », initié par le photographe canado-britannique Finbarr O’Reilly. Mis à jour régulièrement, ce flux de photos et vidéos permet de voir comment la RD Congo a enduré cette nouvelle crise.

Arlette Bashizi, Justin Makangara, ou Moses Sawasawa, entre autres, portent leur regard sur les défis sociaux, sanitaires, politiques de ce pays qui sort à peine de cette épidémie pour replonger doucement dans une autre – l’OMS a alerté le 18 juillet d’une reprise de l’épidémie de fièvre hémorragique Ebola dans le nord-ouest du pays.

 
En avril 2020, trois jours après le premier cas de Covid-19 en RD Congo, une femme distribue du gel désinfectant à Goma, alors que les ressources en eau sont peu accessibles. © Arlette Bashizi pour Fondation Carmignac

« Trop longtemps, les étrangers ont dominé la narration en Afrique »

Cette aventure photographique commence à l’initiative de Finbarr O’Reilly. À 49 ans, ce photographe chevronné, déjà lauréat d’un World Press Photo, remportait le 11e prix Carmignac du photojournalisme consacré cette année à la RD Congo. Fin connaisseur du pays, il entamait alors un reportage qui devait durer six mois. Mais la pandémie mondiale de Covid-19 en a décidé autrement.

« En février, tandis que je suivais une équipe de la Croix-Rouge préparant les funérailles d’un nourrisson à Rutshuru, dans le Nord-Kivu, je pensais documenter les derniers jours de la deuxième pire épidémie d’Ebola de l’histoire. Je n’imaginais pas qu’une crise sanitaire plus mortelle encore menaçait », raconte-t-il sur le site du projet.

Des agents de la Croix Rouge enterrent le corps d’une enfant de 11 mois à Rutshuru, en RD Congo, décédée pendant l’épidémie d’Ebola, en février 2020. © Finbarr O’Reilly pour Fondation Carmignac

En raison de la fermeture progressive des frontières, Finbarr O’Reilly rentre chez lui, à Londres. Le 14 mars, la RD Congo enregistre son premier cas de Covid-19. Dix jours plus tard, l’état d’urgence est décrété, tandis que la dixième épidémie d’Ebola, qui s’était déclarée en 2018, était toujours en cours dans ce pays d’Afrique centrale. Le photographe décide alors de collaborer à distance avec des photojournalistes congolais pour avoir leur regard sur la crise.

« Trop longtemps, les étrangers ont dominé la narration en Afrique, usant souvent d’un prisme déformant hérité de la mentalité coloniale, reflet de biais structurels et raciaux », regrette celui qui sillonne l’Afrique depuis plus de 25 ans. « Heureusement, cette dynamique se modifie et de plus en plus de journalistes africains s’emploient à diffuser leurs histoires, leurs idées et leurs perspectives propres. »

Scène de rue à Kinshasa, capitale de RD Congo, en mars 2020. Les autorités viennent de fermer les écoles et d’imposer les mesures de distanciation sociale en raison de la pandémie de Covid-19 dans un pays où les habitants ne perçoivent pas le virus comme une menace. © Justin Makangara pour Fondation Carmignac

« Parce qu’on ne peut pas faire autrement »

Basée à Goma, dans le Nord-Kivu, la photographe indépendante Arlette Bashizi a documenté le confinement « dans l’obscurité ». « Nous avons beaucoup de coupures de courant à Goma. Nous y sommes habitués, mais elles rendent la vie difficile, surtout la nuit, et c’est encore pire maintenant que nous sommes enfermés toute la journée », écrit-elle. Elle photographie sa petite sœur, Marie, qui étudie à la lumière d’un portable alors que les écoles sont fermées. Elle couvre aussi les campagnes de distribution de gel hydroalcoolique dans le quartier de Katoyi, à Goma, où l’accès à l’eau est difficile.

 
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