Alors que l’Afghanistan s’enfonce de plus en plus dans une crise économique et humanitaire dévastatrice, l’ONU est le seul acteur mondial qui peut aider le pays à s’en sortir. La communauté internationale doit acheminer l’aide là où elle est le plus nécessaire et soutenir les processus de réconciliation nationale et de paix aussi longtemps que nécessaire.
PARIS – En août, le monde a été choqué de voir le gouvernement afghan soutenu par l’Occident s’effondrer rapidement et le pays sombrer dans le chaos, culminant avec la prise de contrôle de la capitale, Kaboul, par les talibans, et son retour au pouvoir après près de 20 ans.
Depuis lors, l’Afghanistan a disparu de la vue globale. Mais près de neuf millions d’Afghans sont aujourd’hui menacés de famine, et 14 millions supplémentaires sont confrontés à une famine aiguë, en raison d’une sécheresse et d’un effondrement économique provoqués par la suspension soudaine de l’aide étrangère. L’Organisation mondiale de la santé prévient qu’un million d’enfants afghans risquent de mourir cet hiver.
En décembre, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution exemptant l’aide humanitaire des sanctions contre les talibans. Mais ce n’est là qu’une pièce du puzzle pour faire face à la crise humanitaire et économique en Afghanistan. La communauté mondiale est confrontée à un défi urgent pour prévenir la famine massive et éviter un effondrement complet des services de base.
Le Conseil sur la fragilité des États, dont je suis membre aux côtés d’éminents dirigeants mondiaux, appelle la communauté internationale à ne pas abandonner le peuple afghan et à agir maintenant pour éviter une famine imminente. Plus précisément, nous exhortons les dirigeants mondiaux à se concentrer sur trois impératifs clés.
Premièrement, alors que l’Afghanistan s’enfonce davantage dans une crise économique et humanitaire dévastatrice, l’ONU – le seul acteur mondial qui peut aider le pays à s’en sortir – peut toujours soutenir les Afghans, même si ses États membres continuent de débattre de l’opportunité de reconnaître le gouvernement taliban. Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, agissant avec le plein soutien du Conseil de sécurité, devrait renforcer le mandat de la Mission d’assistance de l’ONU en Afghanistan et envoyer un envoyé spécial basé à Kaboul avec le personnel des agences de l’ONU. En outre, Guterres devrait charger la MANUA de maintenir des canaux de communication clairs et cohérents avec les dirigeants talibans et d’assurer une approche intégrée des efforts humanitaires, de développement et de paix.
L’ONU et ses agences ne sont pas nouvelles face à de tels défis. De même, les réponses fortes et coordonnées de l’ONU ont eu un impact évident dans d’autres contextes difficiles, notamment en Corée du Nord, au Yémen et au Soudan. En Afghanistan, les agences des Nations Unies disposent d’un excellent personnel local : des hommes et des femmes bien formés, expérimentés et dévoués, dont beaucoup ont mis en œuvre avec succès des programmes d’aide sous l’ancien régime des talibans dans les années 1990. Ils ont fait de même dans les zones contrôlées par les talibans dans un passé récent.
Deuxièmement, l’inclusivité est essentielle à une paix stable et durable. Un règlement politique inclusif en Afghanistan reste aussi nécessaire aujourd’hui qu’il l’était avant que les talibans ne reprennent le contrôle du pays. Plutôt que de considérer le processus de paix afghan comme mort dans l’eau, la communauté internationale devrait le considérer comme un processus pluriannuel, adaptatif et continu visant à rassembler toutes les parties pour construire des ponts et parvenir à une compréhension commune de l’avenir du pays.
La politique du vainqueur qui rafle tout qui sévit depuis longtemps en Afghanistan doit être évitée à tout prix, car l’exclusion ne fera qu’alimenter des cycles de conflits sans fin. Des mécanismes nationaux de recherche d’un consensus, au premier rang desquels une Loya Jirga bien préparée et bien dirigée – un rassemblement traditionnel de chefs ethniques, tribaux et religieux – peuvent contribuer à favoriser l’accord entre les communautés du pays et conduire à la construction patiente du nouveau dispensation dont l’Afghanistan a besoin.
Enfin, les voisins immédiats et quasi-voisins de l’Afghanistan – principalement l’Iran, le Pakistan, la Chine et l’Inde, ainsi que des acteurs régionaux clés tels que le Qatar et la Turquie – ont un rôle essentiel à jouer dans la stabilisation du pays. La communauté internationale devrait exhorter ces pays à contribuer aux efforts de paix en Afghanistan et à soutenir l’engagement constructif existant des acteurs régionaux, tels que le Qatar, qui ont fait leurs preuves en tant qu’interlocuteurs de confiance entre les Taliban et le monde extérieur.
La crise humanitaire en Afghanistan est grave et des millions de vies sont en jeu cet hiver. La communauté internationale, avec un leadership fort de l’ONU, peut et doit intervenir pour soutenir les Afghans en cette période difficile. Le monde doit acheminer l’aide là où elle est le plus nécessaire et soutenir les processus de réconciliation nationale et de paix aussi longtemps que nécessaire.