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À la UneDialogue diplomatique

J’ai lu ce matin une longue diatribe contre Lakhdar Brahimi.

 Ce ne sont pas uniquement ni primordialement les liens de parenté qui me font réagir. Même si ces liens me permettent de témoigner de ses qualités humaines bien nombreuses que tous ceux et toutes celles qui l’ont connu lui reconnaissent. Je le ferai un autre jour. Ce qui me fait réagir aujourd’hui ce n’est pas non plus qu’il soit critiqué. Il est critiquable au même titre que toute personne qui s’exprime dans l’espace publique. Je suis plutôt mû par une opposition profonde au lynchage médiatique quelle que soit l’identité de la victime, quand bien même serait-elle une personne avec laquelle je ne partage ni lien familial ou amical, ni valeurs, ni convictions, ni opinion. Car c’est bien de lynchage médiatique qu’il s’agit dans la diatribe que j’ai lue. Je m’opposerais même au lynchage médiatique de l’auteur de cette diatribe malgré le haut-le-cœur que ses mots irréfléchis m’ont provoqué. Ce n’est cependant pas une position morale que je défends. Du moins, pas uniquement. Mais une position pragmatique parce que je suis convaincu qu’en tant que peuple, nous nous dirigeons droit dans le mur si, en tout et pour tout usage de la parole, nous nous limitons au vitriol, à la précipitation dans le jugement, à la démesure de l’indignation. Nous nous neutralisons les uns des autres, et nous renforçons notre détermination à ne jamais voir autre chose qu’un ennemi à abattre dans toute personne ayant dévié un tant soit peu de ce nous souhaitons qu’elle dise.

 

De quoi s’agit-il? De trois phrases de Brahimi rapportées par le journal Le Monde dans une entrevue qui ne portait absolument pas sur l’Algérie, mais sur l’Afghanistan. Trois phrases tout-à-fait anodines, prononcées en prélude à un développement sur le retrait américain: « Ce n’est pas une défaite militaire. C’est comme pour les Français et l’Algérie. Ce sont les Etats-Unis qui ont décidé de partir. » Voici mon interprétation. La guerre insurrectionnelle ou révolutionnaire est par nature une guerre asymétrique; une partie beaucoup plus faible militairement affronte un adversaire dont la puissance militaire est sans commune mesure plus grande. C’était le cas en Algérie, comme au Vietnam, et en Afghanistan. Les leaders qui lancent ce genre de guerres agissent eux-mêmes tout en sachant qu’ils ne gagneront pas militairement. La victoire dans ces guerres est politique. Voilà pourquoi Brahimi n’avait absolument pas tort de dire que les Américains n’ont pas perdu militairement. Ils ont perdu politiquement. Comme les Américains en Afghanistan et les Français en Algérie, et comme les Français puis les Américains au Vietnam, il n’y avait aucun espoir que les exploits militaires obtenus par une application démesurée de la puissance militaire se transforment en victoire politique, et ils ont fini par lâcher prise. Pour répéter un cliché formulé il y a bien longtemps par Clausewitz, la guerre est la continuation de la politique par d’autre moyen. C’est donc le politique qui prime. Et c’est le sens de toutes les discussions internes qui ont eu lieu au sein même de la direction de la révolution algérienne, un sens sur lequel il y a eu consensus, et qui a connu son affirmation formelle au congrès de la Soummam. Et c’est cet élément précisément qui a permis la victoire politique qui était recherchée dès le départ. C’est le seul sens qu’il appartenait à tout lecteur prudent de saisir dans les propos de Brahimi. 

 

Rien dans ses propos ne justifiait le torrent d’insultes, d’invectives, de procès d’intention, d’attaques ad personam, sans compter les mensonges et les fantasmes dont est truffée la diatribe que j’ai lue, et plus encore les commentaires ajoutés par des lecteurs trop heureux de participer à un lynchage.

 

Mais bien au-delà de ce lynchage injustifiable, pourquoi doit-on penser que ces auteurs se sont lourdement trompés? Eh bien parce que lire exige plus que la saisi d’une suite de mots. Lire c’est toujours contextualiser, et dans le cas des propos de Brahimi, contextualiser la compréhension signifie rapporter le propos à celui qui parle et tenir compte qu’en 2002, à l’occasion de la fameuse conférence de Berlin sur l’Afghanistan qu’il a présidé, il était l’un des rares à avoir soutenu que rien de substantiel ne pouvait être réaliser pour la paix en Afghanistan sans la présence des Talibans. Qu’il avait été dans les années 90 le seul émissaire international que Mulla Omar acceptait de recevoir. Et parler aux Talibans était le cœur de son entretien publié par Le Monde. Car il comprenait bien la nature des guerres insurrectionnelles et savait donc que si les Talibans pouvaient être vaincus militairement et délogés de Kaboul, il leur suffisait de résister aussi longtemps que nécessaire pour obtenir une victoire politique. Comme en Algérie, et c’est le combat qu’il a lui-même mené pendant la guerre de libération. Comme au Vietnam. Et comme il aurait souhaité que ce soit le cas en Palestine; la cause palestinienne ayant été, sa vie durant, avec l’indépendance puis le développement de l’Algérie, la cause qu’il a le plus chérie. 

 

Nous pouvons toujours apprendre quelque chose de nouveau sur nous-mêmes. Et saisir la moindre occasion pour le faire. Alors que peut-on apprendre ici, au-delà de l’injustice dont cet homme vient d’être la victime? Pourquoi cette incapacité qui nous caractérise tellement, de ne jamais pouvoir nous engager dans la discussion d’un point de vue sans verser dans les pratiques discursives les plus détestables, les plus vulgaires et destructrices? Qu’est-ce qui peut bien expliquer cette habitude pas très flatteuse qui consiste à sauter au jugement et à la jugulaire sans réflexion? Il y a sans doute plusieurs raisons. Je me contenterai d’une seule: nous n’abordons que très rarement les choses avec un esprit analytique. Si tel est le cas, tout ce qui nous reste c’est le jugement de valeur sans fondement que nous portons en nous érigeant en redresseurs de torts, en gardiens du temps. Que le temple soit la religion, l’identité, ou la mémoire. En agissant de la sorte, et parce que nous ne connaissons aucun sens au mot « prudence », nous nous armons du langage le plus ordurier, ou au mieux le moins sophistiqué, donc le langage le plus facile, celui qui n’exige pas un grand effort. Quoi de plus facile que d’insulter, de vouer les autres aux gémonies, de détruire? En agissant de la sorte, inconsciemment nous nous adonnons à notre activité préférée, la construction de l’ennemi. Ce sera tantôt le traitre, tantôt le kafir, tantôt le comploteur, le suppôt de cette force maléfique ou de celle-là, etc. Et nous tournons en rond sans fin. Qui n’a pas été victime de ce cercle vicieux? Plus fondamentalement, qui n’a pas participé, d’une manière u d’une autre, à le faire perdurer? 

 

Ce n’est pas une fatalité car nous pouvons apprendre à être meilleur. Je me le dis à moi-même avant de le dire aux autres. Même l’auteur de la diatribe injuste qui m’a fait réagir peut se rendre compte de l’injustice qu’il a commise. Nul n’est parfait. Il suffit de se délester de l’esprit inquisiteur. De se doter d’un esprit analytique prudent. Même le jugement qui, dans ce cas, viendrait couronner le processus de réflexion au lieu de le consumer dans l’autosatisfaction du bourreau, en sortira mieux fondé, plus élaboré, plus convaincant. Et l’auteur de la diatribe, au lieu de gaspiller un temps précieux à accuser sans fondement, apprendra plus sur lui-même que sur ceux qu’il attaque indûment. Ce jour-là son propos sera authentiquement digne d’intérêt. Je ne me fais cependant pas beaucoup d’illusion car le mal est profond.

 

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